Mai 1939

Traduit de l’anglais par Lizelle Reymond et Jean Herbert (Union des imprimeries, Frameries, Belgique).

On s’est proposé de réunir dans ce volume divers fragments épars dans les œuvres de Vivêkânanda et qui, bien que se rapportant également à Bhakti-Yoga, n’ont pas trouvé place dans le livre portant ce titre et dont la traduction a paru précédemment dans la même série(*). Ce qui est assez singulier, c’est qu’il n’est pas possible d’en connaître exactement la provenance : on ne sait pas s’il s’agit réellement de conférences différentes, ou seulement de notes prises par d’autres personnes au cours des mêmes conférences ; cela n’a d’ailleurs qu’une importance secondaire, puisque, dans tous les cas, les deux recueils se complètent l’un l’autre. Naturellement, les idées exposées dans celui-ci appelleraient les mêmes réserves que nous avons formulées à propos du précédent ; ce n’est pas à dire, bien entendu, qu’il ne s’y trouve pas encore des vues intéressantes, par exemple sur la nécessité du guru ou sur celle de l’emploi des symboles, choses qui d’ailleurs ne sont pas spécialement propres à la voie de Bhakti ; mais tout cela demande à être lu avec précaution et par des personnes suffisamment averties pour y discerner ce qui n’est qu’« adaptation » modernisée de ce qui reflète vraiment quelque chose de l’enseignement traditionnel. Nous nous permettrons une petite observation : puisque ce livre est destiné à compléter Bhakti-Yoga, pourquoi a-t-on reproduit toute la partie intitulée Parâ-Bhakti, qui, à part l’adjonction de quelques notes, fait entièrement double emploi avec celle qui se trouve déjà sous ce même titre dans l’autre volume ?

John M. Watkins, London.

L’auteur de ce nouveau commentaire sur la Bhagavad-Gîtâ est d’origine anglaise, ce qui, il faut le reconnaître, se voit assez peu, sauf pourtant en quelques endroits où s’expriment certains préjugés bien occidentaux contre les « prêtres » et les « dogmes », et aussi une tendance à diminuer l’importance et la valeur des rites. Il y a lieu de regretter encore, au même point de vue, quelques références à des ouvrages théosophistes et à des expériences « métapsychiques » ; par contre, il va sans dire que nous trouvons parfaitement légitimes les rapprochements avec Plotin et les livres hermétiques, car il s’agit bien là d’enseignements qui, pour appartenir à d’autres formes traditionnelles, n’en sont pas moins authentiquement conformes au même esprit. D’autre part, l’auteur se refuse résolument à tenir compte de toutes les discussions des orientalistes, dont il dénonce fort justement la « méthode incurablement extérieure », qui ne peut conduire à aucune compréhension véritable. Parti de l’idée d’expliquer la signification des titres des différents chapitres de la Bhagavad-Gîtâ, il a été amené à dépasser largement ce cadre et à commenter tout l’ensemble de la Bhagavad-Gîtâ elle-même : son point de vue est que celle-ci constitue un véritable manuel de Yoga, en prenant ce mot dans son sens « total », c’est-à-dire comme désignant non pas l’une ou l’autre des « voies » particulières qui portent aussi ce nom, mais « la Voie par laquelle l’homme unit son moi fini à l’Infini », et dont ces divers Yogas ne sont qu’autant d’aspects ; et « c’est moins une synthèse de ces enseignements séparés que le tout original et indivisé dont ils représentent des formulations partielles ». Ce point de vue nous paraît entièrement exact et le livre, rempli d’aperçus fort intéressants que nous ne pouvons entreprendre de résumer ici, est certainement un de ceux, malheureusement trop rares, qu’on ne lira pas sans en tirer un réel profit.

Liviright Publishing Corporation, New-York.

Ce livre vise à donner une vue d’ensemble des anciennes civilisations de l’Amérique, en réunissant, sous une forme aisément accessible et même d’une lecture agréable, des données qui, jusque-là, étaient restées éparses dans de multiples études spéciales. Ce qui est le plus intéressant à notre point de vue c’est ce qui concerne les « mythes » et les rites, car quiconque est au courant du symbolisme traditionnel pourra y trouver matière à de nombreux rapprochements très significatifs avec ce qui se rencontre dans d’autres civilisations ; l’auteur a d’ailleurs le mérite de rapporter les faits d’une façon impartiale, sans les déformer en y mêlant les idées préconçues qui ont cours chez la plupart des « anthropologistes ». Ce qui se rapporte aux origines est plus hypothétique, et il n’y a là rien d’étonnant, car cette question demeure fort obscure à bien des égards : d’après la théorie de l’auteur, tout aurait eu pour point de départ une civilisation unique, celle des Mayas, qui serait allée en se modifiant et comme en se dégradant peu à peu à mesure qu’elle s’étendait vers le Nord d’un côté et vers le Sud de l’autre ; cela paraît assez difficile à prouver, surtout en l’absence de toute chronologie un peu sûre, et les ressemblances et les différences entre les usages des divers peuples, invoquées à l’appui de cette thèse, pourraient assurément s’interpréter de bien d’autres façons. Cela ne ferait d’ailleurs, en tout cas, que reculer la difficulté, car il resterait alors à se demander d’où venait la civilisation des Mayas elle-même : tant qu’on voudra se borner à des méthodes de recherche « profane », au lieu de se référer à des indications véritablement traditionnelles qu’on traite trop facilement de « légendes » sans chercher à en approfondir le sens, une telle question demeurera toujours insoluble. Du reste, si les dates approximatives attribuées à la civilisation des Mayas doivent être admises, celle-ci serait, certes, beaucoup trop récente pour pouvoir représenter réellement une « origine » ; mais n’y aurait-il pas lieu de se demander pourquoi « la période qui joue le plus grand rôle dans le calendrier maya est en connexion avec un temps fort antérieur aux débuts mêmes de l’histoire des Mayas » ?