Octobre-novembre 1947

Éditions Niclaus, Paris.

Le titre de ce livre est assez étrange, et d’autant plus qu’il ne s’y trouve en somme rien qui explique ou justifie la « divinité » ainsi attribuée à Adam ; mais ce qui est peut-être encore plus singulier, c’est que le chapitre par lequel il débute est nettement en contradiction avec les suivants. Ce premier chapitre, en effet, n’est qu’un exposé des opinions les plus dissolvantes de la « critique » moderne concernant la Genèse, sans la moindre réflexion qui puisse faire supposer tout au moins que l’auteur ne les adopte pas entièrement ; or, il va de soi que ces opinions impliquent nécessairement la négation formelle de tout ésotérisme dans la Bible, tandis que, dans la suite, il affirme au contraire l’existence de cet ésotérisme, quelle que soit d’ailleurs la conception qu’il s’en fait et la qualité de ce qu’il présente comme tel. On pourrait se demander s’il n’y a pas là l’effet d’une sorte de « mimétisme » lui permettant d’exposer indifféremment n’importe quoi comme s’il s’agissait de ses propres idées ; s’il en était ainsi, cela prouverait en tout cas qu’il n’a pas de convictions bien arrêtées… Quoi qu’il en soit, l’ésotérisme qu’il a en vue ici est surtout celui qu’il attribue aux Ophites ; mais, comme on ne sait en somme rien de bien précis sur ceux-ci, non plus d’ailleurs que sur la plupart des autres sectes dites « gnostiques », cela permet de parler un peu de tout à leur propos : Kabbale, hermétisme, et bien d’autres choses encore, et aussi de prétendre y rattacher directement ou indirectement tout ce qui, dans le monde judéo-chrétien, se présente avec quelque caractère ésotérique, depuis les Esséniens jusqu’aux Rose-Croix ! Nous ne tenterons certes pas de débrouiller ce chaos ; ce qui s’en dégage le plus clairement, c’est que, dans la pensée de l’auteur, il s’agit d’une « doctrine luciférienne », qu’il conçoit apparemment comme un « dualisme », car il affirme notamment que « la croyance à deux dieux adverses procède d’un ésotérisme réel » ; il donne d’ailleurs comme « lucifériens », des symboles qui n’ont aucunement ce caractère. Il serait bien difficile de deviner quelles ont pu être exactement ses intentions ; mais le moins qu’on puisse dire est qu’il témoigne d’un goût fort prononcé pour l’hétérodoxie, et même pour les pires formes de celle-ci, puisqu’il va jusqu’à s’efforcer de les retrouver là même où il n’y en a pas la moindre trace. Dans la dernière partie, qui est soi-disant consacrée à la « doctrine rosicrucienne », il n’y a, en réalité, rien de spécifiquement rosicrucien ; mais l’idée même de vouloir établir un lien entre le Rosicrucianisme et la « doctrine luciférienne » nous paraît extrêmement suspecte, ainsi que certaines réflexions au sujet de la Maçonnerie, ou la fréquente association des mots « luciférien » et « initiatique », ou encore telle phrase sur l’Islam où nous retrouvons cette bizarre obsession de la couleur verte que nous avons déjà eu l’occasion de signaler(*) ; en présence de pareilles choses, on ne saurait assurément être trop méfiant…

Éditions Niclaus, Paris.

Dans cet autre ouvrage, il s’agit cette fois de la tradition celtique, sujet certainement plus « sympathique » que le précédent ; l’exposé qui en est fait n’apporte en somme rien de bien nouveau, mais l’auteur a éprouvé le besoin d’y mêler des considérations tirées de la science moderne et qui font là un assez curieux effet. Comme cette tradition n’est connue que très imparfaitement, on comprend d’ailleurs qu’il ait été quelque peu embarrassé pour remplir ce volume, et, dans la dernière partie, la façon dont il s’en est tiré est d’une assez ingénieuse fantaisie : après avoir reproduit les Triades bardiques, il n’a rien trouvé de mieux que de les compléter… par les Vers d’Or pythagoriciens ! Le livre se termine par quelques informations sur le « mouvement celtique » contemporain, qui ne sont pas sans intérêt, si toutefois elles sont bien sûres ; ce qui malheureusement fait naître quelque doute à cet égard, c’est qu’il est dit qu’il s’agit en partie de « renseignements inédits, venant d’archives privées, qu’il nous sera possible de préciser un jour » ; et, comme ils ne contiennent en somme rien qui paraisse être de nature à justifier une telle réserve, cela nous rappelle involontairement certains procédés dont les occultistes ne sont que trop accoutumés de se servir… En tout cas, nous pouvons y relever une affirmation bien étonnante et inattendue, suivant laquelle « le rituel maçonnique anglais repose tout entier sur des traditions celtiques » : voilà une assertion qu’il serait difficile d’appuyer, non pas seulement par quelques similitudes comme il s’en rencontre entre les formes traditionnelles les plus différentes, mais par des arguments vraiment sérieux. Au surplus, si les auteurs de la déviation « spéculative » avaient été réellement des « initiés celtiques », cela ne donnerait pas une bien haute idée des connaissances que ceux-ci ont conservées ; et puis dans tout cela, que fait-on de l’ancienne Maçonnerie opérative ?

Éditions Niclaus, Paris.

Nous avons déjà vu précédemment(**) un ouvrage du même auteur sur Pythagore ; il continue ses études dans le même sens, mais le résultat, il faut bien le dire, en est plutôt décevant. Ici, il s’agit des akousmata pythagoriciens, préceptes qui sont regardés comme ayant un caractère ésotérique et qui devaient l’avoir en effet, car ils sont généralement revêtus d’une forme énigmatique ou symbolique qui ne s’expliquerait guère autrement ; mais alors il devait y avoir là autre chose que ce qu’y a vu M. Mallinger, car les interprétations qu’il en donne n’ont rien de bien ésotérique ni de vraiment profond. Ainsi, sur le « secret des fèves », il a rassemblé quelques données plus ou moins curieuses, mais dont il ne se dégage aucune conclusion définie ; et, si d’autre part il a du moins compris que le « pain » représente la doctrine traditionnelle, ses commentaires à ce propos ne dépassent pas un niveau très élémentaire ; mais nous retrouvons là une allusion à la « chaîne apostolique des traditions occultes », dont nous voudrions bien savoir comment il l’entend exactement… Une grande partie du livre est consacrée à des questions se rapportant à la naissance et à la mort, d’après des « sources » diverses ; on y sent souvent l’influence des modernes idées occultistes, et aussi une vive préoccupation des phénomènes « métapsychiques » ; en somme, les citations assez abondantes des auteurs anciens sont ce qu’il y a de plus intéressant là-dedans. Nous avons aussi relevé au passage quelques détails plutôt amusants : ainsi, l’auteur reproduit sans examen, au sujet des « portes zodiacales », la méprise de M. Carcopino que nous avons signalée ici autrefois(***) : il paraît croire que les Hindous sont des Bouddhistes, et il va même jusqu’à donner, en parlant de l’enseignement bouddhique, une référence au Rig-Vêda ! N’oublions pas de noter encore que, en terminant, il n’a pas pu s’empêcher de reparler de l’« état ancien et primitif », dont nous avons donné l’explication « ésotérique », si l’on peut dire, à propos de son précédent ouvrage ; à notre avis, il ferait sûrement beaucoup mieux de le laisser « en sommeil ».

Éditions Niclaus, Paris.

Ce livre est du même genre que celui dont nous venons de parler, et on pourrait en somme, d’une façon générale, en dire à peu près la même chose ; peut-être même les tendances occultistes s’y montrent-elles d’une façon encore un peu plus accentuée. Après avoir esquissé la biographie de Plutarque et signalé la « difficulté de l’homme moderne à comprendre certaines vérités ésotériques », en quoi il a certes bien raison, l’auteur expose d’abord les « secrets du feu vivant » ; il nous paraît prendre d’une façon trop littérale les affirmations, qui auraient besoin d’une transposition symbolique, suivant lesquelles « le feu est un être animé » et constitue la « nourriture des Dieux » ; sur le rôle rituel du feu comme élément purificateur et comme agent du sacrifice, il y aurait assurément bien d’autres choses à dire ; et ce chapitre se termine par un rapprochement quelque peu inattendu entre Plutarque et saint François d’Assise. Ensuite viennent les « secrets des statues animées », au sujet desquels sont surtout utilisés les travaux des égyptologues ; en fait, il s’agit là des rites par lesquels des statues ou d’autres objets étaient en quelque sorte « vivifiés » pour devenir des supports d’influences spirituelles ; mais l’auteur envisage surtout, dans les effets de ces rites, la production de certains phénomènes qui n’avaient en tout cas qu’une importance très secondaire. Un chapitre assez court, et qui au fond n’éclaircit pas grand-chose, est consacré aux théories « cosmosophiques » attribuées à un mystérieux Erythréen dont il est question dans le traité De defectu oraculorum, théories qui, en somme, ne paraissent pas différer de celles des Pythagoriciens. Sur les « arcanes de l’Hadès » et le « périple de l’âme », le sens du symbolisme exposé n’est pas nettement dégagé, et il semble bien que l’auteur admette une interprétation « réincarnationniste » dans l’acception la plus littérale de ce mot. Enfin, les « secrets du Sage », dont il est question dans le dernier chapitre, se réduisent en somme à des préceptes pratiques qui peuvent être excellents en eux-mêmes, mais dans lesquels, sauf peut-être en ce qui concerne le rappel de la « loi du silence », il serait bien difficile de découvrir un ésotérisme quelconque ; et, quand on voit quelle place les préoccupations « sociales » tiennent dans la pensée de M. Mallinger, on peut se demander jusqu’à quel point il a suivi lui-même le conseil qu’il donne à ses lecteurs de « se libérer de tout préjugé contemporain ».