Février 1935

— Nous sommes heureux de signaler l’apparition d’une nouvelle revue roumaine, Memra, « études de tradition ésotérique », dont les tendances concordent entièrement avec les nôtres, ainsi que l’indique très nettement la déclaration dont voici la traduction : « Au delà de toutes les contrefaçons modernes de la Tradition initiatique, au delà de tous les courants “néo-spiritualistes” et de tous les pseudo-ésotérismes, cette revue veut être la vivante expression d’une authentique connaissance métaphysique. Aux produits de qualité intellectuelle plus que médiocre de tous les dilettantismes à prétention de spiritualité, et à toutes les improvisations modernistes de nuance mystico-occultiste, elle entend opposer une ferme attitude de traditionalité doctrinale. Au-dessus de toutes les conceptions profanes et profanatrices du scientisme et du philosophisme occidental, et au-dessus de toutes les autres pseudo-valeurs courantes, elle affirme la priorité de la Tradition ésotérique, ainsi que l’unicité, au-dessus de la diversité des formes, et la permanence, au-dessus de toutes les contingences, de la Doctrine traditionnelle primordiale, dont la vérité centrale est la source tant des principes et des méthodes des Sciences traditionnelles que des dogmes, des rites et des symboles de toutes les Religions orthodoxes et de ceux de tous les Mystères initiatiques d’Orient ou d’Occident ». À une revue qui se présente avec un tel programme et de telles intentions, nous ne pouvons que souhaiter la plus entière réussite et le plus vif succès ! — Le no 1 (décembre 1934) contient un excellent article sur La Tradition hermétique, la traduction de la première Vallî de la Katha-Upanishad, et aussi la traduction de deux articles parus ici même : celui de notre collaborateur J.H. Probst-Biraben sur Le Cœur Intelligent (Qalb Aqel) dans le Soufisme, et le nôtre sur L’Enseignement initiatique(*).

— Le Bulletin of the School of Oriental Studies de Londres (vol. VII, 3e partie, 1934) a publié une très intéressante étude de M. Ananda K. Coomaraswamy sur « Kha » et autres mots signifiant « zéro » dans leur rapport avec la métaphysique de l’espace. Cette étude montre très clairement, contre toutes les théories « empiristes » modernes, que les termes sanscrits dont il s’agit ont exprimé tout d’abord des conceptions d’ordre métaphysique, et que de là est dérivée ensuite leur application, par analogie, à des notions mathématiques ; et elle a pour conclusion la citation d’un passage d’Orient et Occident dans lequel nous avons défini, par opposition à la science moderne et profane, le caractère des sciences traditionnelles et leur dépendance à l’égard de la doctrine métaphysique. — Du même auteur, dans les Technical Studies in the field of the fine arts publiés par l’Université Harvard de Boston (octobre 1934), une étude sur La technique et la théorie de la peinture indienne, dans laquelle nous noterons, comme plus particulièrement intéressant à notre point de vue, le fait que le peintre n’exécutait pas son tableau d’après un modèle placé devant lui, mais d’après une image mentale, ce qui apparentait directement son art à une forme de dhyâna-yoga, et qu’ainsi il voyait moins les détails sensibles des choses que leurs prototypes intellectuels.

— Le no de septembre-octobre d’Atlantis est consacré à un sujet plutôt inattendu : Scoutisme et Atlantisme ; à la vérité, il s’agit tout simplement d’une conception spéciale du Scoutisme, celle de M. paul le cour et de quelques-uns de ses collaborateurs, que peut-être les « néo-atlantes » mettent déjà en pratique sur les bords du bassin d’« Archa-Chéion »…

— Dans le Speculative Mason (no d’octobre), signalons la fin de l’étude sur la question des Landmarks, dont les conclusions demanderaient une longue discussion que nous ne pouvons entreprendre ici, et un article sur le « dépouillement des métaux », qui en affirme expressément le caractère hermétique, mais n’en présente qu’une signification un peu trop superficielle.

— Dans le Symbolisme (no de décembre), Oswald Wirth essaie de formuler ce qu’il appelle Le Devoir humain, et Armand Bédarride termine sa « laïcisation des vertus théologales » par La Charité.

— Les Cahiers de l’Ordre reprennent leur publication interrompue depuis un certain temps ; dans le no de novembre, rien de particulier à signaler, si ce n’est l’annonce d’une « partie occultiste » dans le programme de cette nouvelle série, et aussi, dans l’appel placé en tête, un « dilemne » (sic) assez peu orthodoxe entre « Dieu et le Diable » : que de gens sont ainsi « manichéens » sans s’en douter !

P. S. — En réponse à quelques lignes doublement erronées publiées par un organe occultiste, nous tenons à déclarer expressément : 1o que nous n’avons aucun « Groupe » (sic) ; 2o que les collaborateurs du Voile d’Isis ne « laissent de côté » aucune tradition orthodoxe, qu’elle soit d’Orient ou d’Occident, ainsi que tous les lecteurs de bonne foi peuvent d’ailleurs facilement en juger par eux-mêmes.