Novembre 1936

— Dans Indian Culture (vol. III, no I), un article de M. Ananda K. Coomaraswamy, intitulé Rebirth and Omniscience in Pâli Buddhism, contient une critique des conceptions de Mrs Rhys Davids qui s’accorde entièrement avec celle que nous avons formulée ici même(*), il y a peu de temps, en rendant compte d’un de ses ouvrages. L’auteur proteste très justement contre une certaine façon de dénaturer les textes en écartant leurs parties métaphysiques, d’où ne peut résulter qu’une déformation complète de leur signification. D’autre part, il signale que, ayant étudié la doctrine de la mort et de la renaissance dans le Rig-Vêda, les Brâhmanas, les Upanishads, la Bhagavad-Gîtâ et le Bouddhisme pâli, il n’a trouvé aucun « développement » de cette doctrine à travers toute cette série, ni aucun enseignement du retour de l’être au même monde qu’il a quitté à la mort ; il est partout question de « transmigration », mais non point de « réincarnation ».

— Dans le Journal of the Greater India Society de Calcutta (vol. III, no I), le même auteur signale une « source » du passage de saint Denys l’Aréopagite sur le Beau (De Divinis Nominibus, IV, 5) dans le Phèdre de Platon (210-11), et un « parallèle » dans la Chhândogya Upanishad (IV, 15) qui offre une frappante similitude jusque dans l’expression même.

— Du même auteur également, dans Speculum (no de juillet), revue d’études médiévales publiée par la Mediaeval Academy of America (Cambridge, Massachusetts), une étude sur deux passages du Paradis de Dante (XXVII, 136-138, et XVIII, 110-111), dont le sens s’éclaire et se précise remarquablement par une comparaison avec les modes d’expression de la tradition hindoue. Cette constance de certains termes symboliques et de leur signification « technique », dans des formes traditionnelles aussi éloignées les unes des autres dans le temps et l’espace, ne peut s’expliquer que si l’on considère ces « formulations diverses d’une doctrine commune » (dharma-paryâya) comme autant de « dialectes d’un seul et même langage de l’esprit », ou de branches d’une seule et même « tradition universelle et unanime » (sanâtana dharma).

— Dans le Symbolisme (no d’août-septembre), Oswald Wirth parle d’un Pouvoir créateur qu’il attribue à l’homme, et dont il conseille d’ailleurs de se méfier ; nous supposons qu’il doit s’agir de l’imagination que les psychologues appellent « créatrice », fort improprement du reste ; mais, en tout cas, il a le plus grand tort de croire que le « domaine subjectif » et les « conceptions abstraites » puissent intéresser si peu que ce soit les « purs métaphysiciens ». Nous le croyons bien volontiers quand il déclare « ne parler au nom d’aucune révélation surnaturelle », ce qui ne se voit que trop en effet ; mais, alors, pour être conséquent avec lui-même, qu’il ne parle pas d’initiation, fût-elle même limitée au seul domaine des « petits mystères », puisque, qu’on le veuille ou non, toute initiation implique essentiellement l’intervention d’un élément « supra-humain ». — G. Persigout est amené par le symbolisme de la caverne et du monde souterrain à étudier L’Enfer et les religions de salut ; ce titre rappelle malencontreusement le jargon spécial des profanes « historiens des religions », et, en fait, l’auteur semble avoir dans quelques-unes des théories tendancieuses de ceux-ci une confiance qu’elles ne méritent guère. En voulant toujours chercher des « sources » et des « développements » historiques, là où il ne s’agit proprement que d’expressions diverses d’une même connaissance, on risque de s’égarer encore plus facilement que dans les « dédales des épreuves souterraines », où l’on se retrouverait certes beaucoup mieux en les envisageant au seul point de vue strictement initiatique, sans se préoccuper de toutes les fantaisies accumulées par l’imagination des profanes à qui il a plu de parler de ce qu’ils ignorent.