Avril 1937

— Dans l’American Review (no de janvier), M. Ananda K. Coomaraswamy publie un article sur The Use of Art, dans lequel il s’élève contre les théories « esthétiques » modernes, et spécialement contre la conception de l’« art pour l’art » ; il y oppose la vue normale suivant laquelle l’art est « la façon juste de faire les choses », quelles qu’elles soient, de telle sorte qu’elles soient adaptées aussi parfaitement que possible à l’usage auquel elles sont destinées. La distinction toute moderne entre l’« artiste » et l’« artisan » n’a, selon cette vue normale, aucune raison d’être ; et l’industrie séparée de l’art, comme elle l’est de nos jours, apparaît comme une activité illégitime et ne méritant même pas d’être considérée comme véritablement « humaine ».

— Sur ce même sujet de l’art, nous trouvons dans le Lotus Bleu (no de janvier), un article intitulé L’Art comme ascèse, par Mme Simonne May, dans lequel sont citées quelques-unes des vues qui ont été exposées ici même à diverses reprises, mais aussi des conceptions modernes de tendance tout opposée, ce qui donne une impression d’ensemble extrêmement confuse ; entre les unes et les autres, il n’y a en réalité aucune conciliation possible ; et on ne peut prétendre mettre sur un pied d’égalité l’art traditionnel et l’art profane sous prétexte que « le spirituel n’est pas localisé » et que « le divin est partout », car on en arriverait trop facilement ainsi à justifier n’importe quoi, même les pires déviations !

— Dans Atlantis (no de janvier), M. paul le cour consacre une longue étude à La fleur de lys ; il s’y trouve une documentation iconographique assez intéressante, mais aussi quelques-unes de ces interprétations plus que risquées dont l’auteur est coutumier, comme, par exemple, le rapprochement de lis et hélios et l’attribution toute gratuite de ce dernier mot à la « langue primitive », ou encore l’idée de faire dériver le mot blason de bleiz, nom celtique du loup ; il resterait d’ailleurs encore beaucoup à dire, après tout cela, sur la signification de la fleur de lys et des nombreux autres symboles qui, par leur forme générale, lui sont plus ou moins étroitement apparentés.

— Nous avons récemment fait allusion au sceau des États-Unis(*), relevant à la fois l’étrangeté de son symbolisme et le parti que veulent en tirer certaines organisations ; ce que nous disions alors se trouve encore confirmé, bien involontairement sans doute, sous ce double rapport, par un article sur ce sujet publié dans le Rosicrucian Magazine (no de février) ; laissant de côté certains calculs plus ou moins fantaisistes, nous noterons seulement à ce propos, en ce qui concerne le sceau lui-même, que, outre les treize assises de la pyramide tronquée dont nous avons parlé, le nombre 13 y reparaît dans une multitude d’autres détails avec une insistance véritablement extraordinaire…

— Dans le Speculative Mason (no de janvier), un article est consacré à la signification de la fonction du 2e Surveillant, mais s’en tient malheureusement à des considérations surtout esthétiques et morales, d’un caractère assez superficiel. — Dans un autre article, nous trouvons un bon exemple de la confusion que nous signalions dernièrement entre les rites et les cérémonies(**) ; l’intention de l’auteur est d’ailleurs nettement favorable aux rites, contrairement à ce qui arrive le plus souvent en pareil cas ; mais les cérémonies, y compris celles qui sont le plus purement profanes, bénéficient bien injustement de la confusion !

— Dans le Symbolisme (no de février), Oswald Wirth parle de La Loi de Création de Wronski, à propos du volume dont nous avons rendu compte il y a quelque temps(***) ; mais, ne lui en déplaise, les « concepts » des anciens constructeurs, qui d’ailleurs n’« imaginèrent » rien, étaient réellement beaucoup plus « transcendants » que toutes les « abstractions » des philosophes, qui ne sont que spéculations dans le vide, et qui nous paraissent peut-être encore plus rebutantes qu’à lui. — Albert Lantoine signale très justement les inconvénients de l’organisation d’une Justice Maçonnique calquée sur le modèle des codes profanes ; seulement, pourquoi dire à ce propos que « les petites institutions tendent à imiter la grande institution », alors que c’est au contraire l’organisation de la société profane qui devrait normalement apparaître comme une bien petite chose vis-à-vis de ce qui appartient à l’ordre initiatique ? — G. Persigout étudie Le Problème alchimique de la Transmutation morale ; il y a là une équivoque, car, comme nous l’avons dit souvent, si vraiment il ne s’agissait que de « morale », il serait bien inutile de recourir à un symbolisme quelconque, alchimique ou autre ; d’autre part, en acceptant les vues des historiens profanes, on est parfois entraîné, ne serait-ce que sur le sens d’expressions comme celle d’« art sacerdotal » par exemple, à de bien curieuses méprises…