Janvier 1938

— Dans les Archives de Trans (no d’octobre), M. J. Barles continue son examen de la rédaction du Livre des Constitutions par James Anderson ; celui-ci, dans le récit inséré dans l’édition de 1738, a naturellement présenté comme une révision nécessaire ce qui fut en réalité un travail d’altération voulue des Old Charges ; signalons d’ailleurs que, dans ce même récit, tous les faits concernant la fondation et les débuts de la Grande Loge d’Angleterre sont tendancieusement déformés, ainsi qu’il ressort d’une étude historique publiée dans le Grand Lodge Bulletin d’Iowa et dont nous avons rendu compte en son temps(*). Nous nous permettons d’attirer là-dessus l’attention de M. Barles, qui se borne à dire, à la suite de Mgr Jouin, qu’« il est permis de se demander si le choix d’Anderson, que nulle raison majeure ne motivait, fut des plus judicieux » ; est-il bien sûr qu’il n’y avait pas au contraire de sérieuses raisons pour que les choses fussent « arrangées » de cette façon toute spéciale, ce pour quoi Anderson était peut-être réellement plus qualifié que d’autres que certains scrupules auraient pu retenir ?

— La Revue Internationale des Sociétés Secrètes (no du 15 novembre) publie la reproduction d’un document qui est de nature à éclairer quelque peu la question, fort obscure aussi, des débuts de la Maçonnerie en France : il s’agit d’un manuscrit datant de 1735-1736 et contenant une traduction des Constitutions d’Anderson, avec de légères modifications ou adaptations à l’usage des Loges françaises. Cette version est accompagnée d’une « approbation » qui est la partie vraiment intéressante du manuscrit, car il en résulte les faits suivants : le duc de Wharton fut « Grand-Maître des Loges du royaume de France » à une date indéterminée, mais antérieure à 1735 ; Jacques Hector Macleane exerçait la même fonction en 1735, et il fut remplacé l’année suivante par Charles Radcliffe, comte Derwentwater. Ces faits sont susceptibles d’infirmer les conclusions de la campagne menée jadis par Téder contre l’authenticité des deux premiers Grands-Maîtres de la Maçonnerie française, Lord Derwentwater et Lord Harnouester (qui d’ailleurs ne font sans doute qu’un, le deuxième nom n’étant vraisemblablement qu’une altération du premier), campagne rappelée dans un précédent article de la même revue (no des 15 septembre-1er octobre), et à la suite de laquelle ces deux noms furent supprimés, en 1910, de la liste des Grands-Maîtres figurant dans l’Annuaire du Grand-Orient de France. Cependant, certaines questions se posent encore : le duc de Wharton fut Grand-Maître de la Grande Loge d’Angleterre en 1722, et il est possible que ce soit en cette qualité qu’il ait eu sous sa juridiction les Loges françaises avant qu’elles n’aient reçu une organisation particulière ; seulement, on ne fixe d’ordinaire qu’à 1725 la fondation de la première Loge à Paris ; faudrait-il réellement la faire remonter quelques années plus haut ? S’il en était ainsi, cette hypothèse serait d’autant plus vraisemblable que les Constitutions de 1723 paraissent avoir été présentées à la Grande Loge précisément pendant la Grande-Maîtrise du duc de Wharton et avoir été revêtues alors de l’approbation de celui-ci, bien qu’il y ait encore sur ce point plusieurs versions contradictoires… La situation exacte des deux autres personnages n’apparaît pas très clairement non plus : fut-elle celle de « Grands-Maîtres provinciaux », relevant de la Grande Loge d’Angleterre, ou déjà celle de Grands-Maîtres d’une Grande Loge entièrement indépendante ? Enfin, il semble bien, d’après le même document, que le grade de Maître ait été connu et pratiqué par les Maçons « spéculatifs » de France avant de l’être par ceux d’Angleterre ; on peut alors se demander d’où ils l’avaient reçu, et il y a là encore un autre problème qu’il serait assez intéressant d’élucider.

— Dans le Symbolisme (no de novembre), sous le titre Ivresse bachique et Sommeils initiatiques, G. Persigout essaie de marquer une distinction entre ce qu’il désigne comme « les cultes populaires et les religions de mystères » ; dépouillée de cette terminologie plutôt fâcheuse, cette distinction devrait en somme revenir tout simplement à celle de l’exotérisme et de l’ésotérisme ; mais il n’est pas exact d’admettre que le premier ait jamais été comme une sorte de « vulgarisation » et de déviation du second, car chacun a son domaine bien défini et également légitime ; il y a encore dans tout cela bien des confusions.