CHAPITRE XI
Représentation géométrique
des degrés de l’Existence

Jusqu’ici, nous n’avons fait qu’examiner les divers aspects du symbolisme de la croix, en montrant leur rattachement à la signification métaphysique que nous avons indiquée en premier lieu. Ces considérations, qui ne sont en quelque sorte que préliminaires, étant terminées, c’est cette signification métaphysique que nous devons maintenant nous attacher à développer, en poussant aussi loin que possible l’étude du symbolisme géométrique par lequel sont représentés à la fois, soit les degrés de l’Existence universelle, soit les états de chaque être, suivant les deux points de vue que nous avons appelés « macrocosmique » et « microcosmique ».

Rappelons tout d’abord que, lorsqu’on envisage l’être dans son état individuel humain, il faut avoir le plus grand soin de remarquer que l’individualité corporelle n’est en réalité qu’une portion restreinte, une simple modalité de cette individualité humaine, et que celle-ci, dans son intégralité, est susceptible d’un développement indéfini, se manifestant dans des modalités dont la multiplicité est également indéfinie, mais dont l’ensemble ne constitue cependant qu’un état particulier de l’être, situé tout entier à un seul et même degré de l’Existence universelle. Dans le cas de l’état individuel humain, la modalité corporelle correspond au domaine de la manifestation grossière ou sensible, tandis que les autres modalités appartiennent au domaine de la manifestation subtile, ainsi que nous l’avons déjà expliqué ailleurs(1). Chaque modalité est déterminée par un ensemble de conditions qui en délimitent les possibilités, et dont chacune, considérée isolément des autres, peut d’ailleurs s’étendre au delà du domaine de cette modalité, et se combiner alors avec des conditions différentes pour constituer les domaines d’autres modalités, faisant partie de la même individualité intégrale(2). Ainsi, ce qui détermine une certaine modalité, ce n’est pas précisément une condition spéciale d’existence, mais plutôt une combinaison ou une association de plusieurs conditions ; pour nous expliquer plus complètement sur ce point, il nous faudrait prendre un exemple tel que celui des conditions de l’existence corporelle, dont l’exposition détaillée nécessiterait, comme nous l’indiquions plus haut, toute une étude à part(3).

Chacun des domaines dont nous venons de parler, comme contenant une modalité d’un certain individu, peut d’ailleurs, si on l’envisage en général et seulement par rapport aux conditions qu’il implique, contenir des modalités similaires appartenant à une indéfinité d’autres individus, dont chacun, de son côté, est un état de manifestation d’un des êtres de l’Univers : ce sont là des états et des modalités qui se correspondent dans tous ces êtres. L’ensemble des domaines contenant toutes les modalités d’une même individualité, domaines qui, comme nous l’avons dit, sont en multitude indéfinie, et dont chacun est encore indéfini en extension, cet ensemble, disons-nous, constitue un degré de l’Existence universelle, lequel, dans son intégralité, contient une indéfinité d’individus. Il est bien entendu que nous supposons, en tout ceci, un degré de l’Existence qui comporte un état individuel, dès lors que nous avons pris pour type l’état humain ; mais tout ce qui se rapporte aux modalités multiples est également vrai dans un état quelconque, individuel ou non-individuel, car la condition individuelle ne peut apporter que des limitations restrictives, sans toutefois que les possibilités qu’elle inclut perdent pour cela leur indéfinité(4).

Nous pouvons, d’après ce que nous avons déjà dit, représenter un degré de l’Existence par un plan horizontal, s’étendant indéfiniment suivant deux dimensions, qui correspondent aux deux indéfinités que nous avons ici à considérer : d’une part, celle des individus, que l’on peut représenter par l’ensemble des droites du plan parallèles à l’une des dimensions, définie, si l’on veut, par l’intersection de ce plan horizontal avec un plan de front(5) ; et, d’autre part, celle des domaines particuliers aux différentes modalités des individus, qui sera alors représentée par l’ensemble des droites du plan horizontal perpendiculaires à la direction précédente, c’est-à-dire parallèles à l’axe visuel ou antéro-postérieur, dont la direction définit l’autre dimension(6). Chacune de ces deux catégories comprend une indéfinité de droites parallèles entre elles, et toutes indéfinies en longueur ; chaque point du plan sera déterminé par l’intersection de deux droites appartenant respectivement à ces deux catégories, et représentera, par conséquent, une modalité particulière d’un des individus compris dans le degré considéré.

Chacun des degrés de l’Existence universelle, qui en comporte une indéfinité, pourra être représenté de même, dans une étendue à trois dimensions, par un plan horizontal. Nous venons de voir que la section d’un tel plan par un plan de front représente un individu, ou plutôt, pour parler d’une façon plus générale et susceptible de s’appliquer indistinctement à tous les degrés, un certain état d’un être, état qui peut être individuel ou non-individuel, suivant les conditions du degré de l’Existence auquel il appartient. Nous pouvons donc maintenant regarder un plan de front comme représentant un être dans sa totalité ; cet être comprend une multitude indéfinie d’états, qui sont alors figurés par toutes les droites horizontales de ce plan, dont les verticales, d’autre part, sont formées par les ensembles de modalités qui se correspondent respectivement dans tous ces états. D’ailleurs, il y a dans l’étendue à trois dimensions une indéfinité de tels plans, représentant l’indéfinité des êtres contenus dans l’Univers total.