L’ARCHÉOMÈTRE
(suite)(*)

De part et d’autre du centre de la figure(144), les XXII lettres, ou plutôt leurs valeurs numériques, sont disposées suivant deux symétries, l’une mono-axique, à droite, et l’autre deuto-axique, à gauche. Dans l’une et dans l’autre, elles sont rangées en deux colonnes, contenant chacune les valeurs de onze lettres(145) : la somme des valeurs des onze premières est 75, qui se réduit à 7 + 5 = XII, et celle des valeurs des onze dernières est 1420, qui se réduit à 1 + 4 + 2 = VII ; on a encore, pour l’ensemble, 12 + 7 = XIX, et, par une nouvelle réduction, 1 + 9 = X, de sorte que tout se ramène finalement au dénaire(146). Ce qu’il importe de remarquer, c’est que nous avons retrouvé ici le duodénaire et le septénaire, sur les rapports desquels nous allons d’ailleurs donner maintenant quelques indications.

Nous devons tout d’abord remarquer, à ce sujet, que l’octave, c’est-à-dire l’ensemble des sept notes de la gamme, comprend douze demi-tons, ce que l’on peut représenter par un cercle divisé en douze intervalles égaux, formant un zodiaque, dans lequel on placera, suivant leurs intervalles respectifs, les sept notes, qui correspondent aux sept planètes.

Dans la gamme majeure, les intervalles successifs des notes, en prenant le ton pour unité, sont :

1, 1, ½, 1, 1, 1, ½.

Dans la gamme mineure, ces mêmes intervalles sont :

1, ½, 1, 1, ½, 1 ½, ½.

On voit que la gamme majeure est symétrique par rapport à l’intervalle central, tandis qu’il n’y a aucune symétrie de ce genre dans la gamme mineure.

D’autre part, dans la gamme ordinaire, qui est la gamme majeure en do, la série montante des dièzes, de quinte en quinte, est la suivante :

fa do sol ré la mi si

La série descendante des bémols, de quarte en quarte, est la même série prise dans l’ordre inverse(147) :

si mi la ré sol do fa

Les notes étant disposées autour d’un cercle comme nous l’avons dit, si l’on veut avoir la série des dièzes ou celle des bémols, il faut joindre ces notes de façon à former un heptagone étoilé non fermé, de telle sorte que l’intervalle entre les deux notes qui sont aux extrémités d’un même côté soit toujours de deux tons et demi. Pour la gamme ordinaire, la figure ainsi obtenue sera la suivante.

Les deux extrémités de la figure, qui sont aussi celles du diamètre horizontal, sont fa et si ; on voit que, à ce point de vue, la gamme majeure en do est symétrique par rapport au . On pourrait faire des remarques analogues pour une gamme majeure quelconque ; mais nous y reviendrons lorsque nous étudierons les correspondances musicales de l’Archéomètre, car notre but, pour le moment, n’était que d’indiquer comment la gamme septénaire se situe dans le mode duodénaire.

Une autre remarque qui se rattache plus directement à l’arithmologie est celle que nous devons faire sur la constitution même des nombres 7 et 12, qui sont respectivement la somme et le produit des deux mêmes nombres 3 et 4 : 3 + 4 = 7 ; 3 × 4 = 12.

Rappelons à ce propos quelques lois arithmétiques connues : la somme de deux nombres est paire si ces nombres sont tous deux pairs ou tous deux impairs ; si l’un est pair et l’autre impair, la somme est impaire. D’autre part, pour que le produit de deux nombres soit impair, il faut que les deux facteurs soient impairs ; dans les autres cas (un facteur pair et un facteur impair, ou deux facteurs pairs), le produit est toujours pair.

On sait que, selon le Pythagorisme, les nombres impairs sont masculins, et les nombres pairs sont féminins(148). Par suite, la multiplication d’un nombre pair par un nombre impair est assimilée à un mariage ; il en est ainsi, en particulier, lorsque les facteurs sont deux nombres entiers consécutifs, tels que le ternaire et le quaternaire, dont l’union produit le duodénaire.

De même, l’union du binaire et du ternaire produit le sénaire, et, à ce point de vue, il y a entre les nombres 5 et 6 la même relation qu’entre les nombres 7 et 12 : 2 + 3 = 5 ; 2 × 3 = 6. Remarquons que 5 correspond à l’étoile pentagrammatique, symbole du Microcosme, et 6 au double triangle, symbole du Macrocosme(149). Le nombre 6 est le produit de 2, premier nombre pair, et de 3, premier nombre impair, l’unité n’étant pas considérée comme un nombre, parce qu’elle est le principe de tous les nombres et les contient tous ; c’est pourquoi 6 était appelé par toutes les écoles antiques le nombre du Mariage, d’où son caractère conjonctif(150). Il représente aussi le Monde considéré comme engendré par l’union des deux principes masculin et féminin qui constituent l’Androgyne divin, et c’est pour cette raison qu’il est regardé comme le nombre de la Création(151).

Revenons aux valeurs numériques des XXII lettres disposées en deux colonnes : la symétrie mono-axique fait correspondre deux à deux les lettres équidistantes du centre de l’alphabet, de telle sorte que la somme des rangs alphabétiques de deux lettres correspondantes soit toujours égale à 23 :

1 + 22 = 2 + 21 = … = 10 + 13 = 11 + 12 = 23.

Cette correspondance est celle de la permutation kabbalistique appelée את‑בש ; si l’on faisait correspondre les lettres qui occupent le même rang dans les deux colonnes, c’est-à-dire dont les valeurs numériques sont ici placées horizontalement l’une en face de l’autre, on aurait la permutation appelée אל‑בם(152).

Le nombre 23 se réduit à 5, et il en est de même de la somme des valeurs numériques de deux lettres correspondantes quelconques dans cette symétrie mono-axique ; il est facile de comprendre qu’il en soit ainsi, puisque, comme nous l’avons fait remarquer précédemment(153), l’ordre alphabétique de chaque lettre et sa valeur numérique donnent le même nombre par réduction. Comme il y a onze couples de lettres correspondantes, on a pour l’ensemble : 5 × 11 = 55, nombre formé de deux chiffres 5, qui représentent les deux ה du Tétragramme, puisque 5 est la valeur de la lettre ה ; et ce nombre 55 se réduit encore à 5 + 5 = 10.

Parmi les valeurs des couples de lettres, celles des deux premiers en partant du centre de l’alphabet se réduisent immédiatement à 5, ainsi que celles des quatre derniers ; celles des cinq autres se réduisent d’abord à 14. Ce dernier nombre correspond au rang alphabétique de la lettre נ, planétaire du Soleil, dont la valeur numérique, 50, est aussi la valeur des deux premiers couples כ et ל, י et מ.

Les lettres dont les valeurs occupent le milieu des deux colonnes et sont reliées par une ligne horizontale sont ו = 6 (154) et פ = 80, c’est-à-dire les deux premières zodiacales du Triangle de la Terre des Vivants ; le nombre total 86 est la somme des valeurs numériques des lettres du mot אלהים (Elohim). On peut prendre ces nombres (6 et 80) pour axes respectifs de deux symétries mono-axiques partielles, dont chacune unira deux à deux les nombres équidistants du milieu de l’une des deux colonnes ; et l’ensemble de ces deux nouvelles symétries mono-axiques constituera une symétrie deuto-axique de l’alphabet.

Dans la première colonne, la somme des deux nombres extrêmes est 21 ; celle de chacun des quatre autres couples de nombres équidistants du milieu est 12 ; ces deux nombres (21 et 12) se réduisent l’un et l’autre à 3 ; enfin, le nombre du milieu est 6, moitié de 12. Dans la seconde colonne, la valeur totale de chaque couple de nombres se réduit à 7, indirectement pour le couple le plus voisin de l’axe, qui se réduit d’abord à 16, et directement pour les quatre autres couples ; le nombre du milieu, 80, se réduit à 8, moitié de 16. Si l’on additionne les nombres 3 et 7, auxquels se réduisent respectivement les valeurs des couples de nombres des deux symétries mono-axiques(155), on a : 3 + 7 = 10. Ici encore, on retrouve donc finalement le dénaire, qui est le nombre de la lettre י, l’initiale du Tétragramme divin, la première zodiacale du Triangle de la Terre des Vivants, la Royale des alphabets archéométriques(156).

Nous laisserons là, pour le moment du moins, l’étude de la partie moyenne de la figure, sur laquelle, cependant, bien des choses pourraient encore être dites, pour considérer les parties supérieure et inférieure, et, en particulier, les quatre triangles rectangles formés par leurs extrémités.

(À suivre.)