L’ARCHÉOMÈTRE
(suite)(*)

Dans l’angle supérieur droit de la figure(157) sont indiquées les racines théosophiques des neuf premiers nombres, avec leur formation par addition de ces nombres pris consécutivement. Nous avons déjà défini précédemment ce qu’on appelle racine théosophique, en même temps que la réduction théosophique(158) ; nous conservons ici à ces opérations leur dénomination habituelle, malgré sa singularité et son insignifiance, mais il serait certainement facile d’en trouver une meilleure(159).

Nous indiquerons d’abord la formule générale qui donne la racine théosophique R d’un nombre quelconque n ; c’est d’ailleurs une formule algébrique connue, puisque c’est celle qui permet de calculer la somme de tous les nombres entiers depuis 1 jusqu’à n, d’après la définition même de la racine théosophique. On a :

R = 1 + 2 + … + (n – 1) + n,

qu’on peut écrire aussi, en prenant les mêmes nombres en sens inverse :

Rn + (n – 1) + … + 2 + 1.

Dans les seconds membres de ces deux égalités, les nombres correspondants ont toujours pour somme n + 1, et, comme il y a n nombres dans chacun, il en résulte que l’on obtient par addition :

Rn (n + 1),

d’où :

R ( n (n + 1) ) / 2 .

Comme l’un ou l’autre des deux nombres consécutifs n et n + 1 est nécessairement pair, leur produit est pair aussi, et, par suite, le résultat obtenu est toujours un nombre entier.

Si nous voulons maintenant chercher à quel nombre la racine R se ramènera par réduction théosophique, nous aurons trois cas à considérer, suivant que n est égal, soit à un multiple de 3, soit à un multiple de 3 augmenté de l’unité, soit à un multiple de 3 diminué de l’unité.

Considérons d’abord le cas où n = 3 a + 1, cas qui est celui des nombres pris de trois en trois à partir de l’unité : 4, 7, 10, etc. On a alors :

n (n + 1) = (3 a + 1) (3 a + 2) = 9 a 2 + 9 a + 2 = 9 a (a + 1) + 2,

d’où :

R (a (a + 1) ) / 2 + 1.

Dans ce cas, la racine théosophique est donc égale à un multiple de 9 augmenté de l’unité, et, comme les multiples de 9 s’éliminent dans la réduction théosophique, qui n’est autre que l’opération donnant le reste de la division par 9, cette racine se réduira à l’unité, soit directement, soit, le plus souvent, en passant par le dénaire.

Si n = 3 a, on a :

R (a (3 a + 1) ) / 2 .

et, si n = 3 a – 1, on a :

R (a (3 a - 1) ) / 2 .

Dans ces deux cas, que nous pouvons réunir en un seul, on voit immédiatement que la racine théosophique est multiple de 3, puisque l’un ou l’autre des deux facteurs n et n + 1 est lui-même multiple de 3 ; comme la somme des chiffres d’un tel nombre est aussi divisible par 3, cette racine se réduira toujours finalement à 3, 6 ou 9.

Reportons-nous maintenant à la figure ; nous y voyons que, si l’on prend les neuf premiers nombres trois à trois en suivant l’ordre naturel, les sommes des racines théosophiques correspondantes se réduisent toutes à 10. Ainsi, on a d’abord, pour 1, 2 et 3 :

1 + 3 + 6 = 10 ;

puis, pour 4, 5 et 6 :

10 + 15 + 21 = 46,
4 + 6 = 10 ;

et enfin, pour 7, 8 et 9 :

28 + 36 + 45 = 109,
1 + 9 = 10.

Nous pouvons généraliser ce résultat, et démontrer que, si l’on considère trois nombres entiers consécutifs dont le premier est égal à un multiple de 3 augmenté de l’unité, la somme de leurs racines théosophiques se réduira toujours à 10.

En effet, nous avons vu que la racine théosophique R du nombre n = 3 a + 1 est égale à (a (a + 1) ) / 2 + 1 ; celle de n + 1 = 3 a + 2 sera égale à R + (3 a + 2), et celle de n + 2 = 3 a + 3 sera égale à R + (3 a + 2) + (3 a + 3) = R + (6 a + 5). La somme de ces trois racines sera, par suite, égale à 3 R + (3 a + 2) + (6 a + 5) = 3 R + (9 a + 7), c’est-à-dire à ( 27 a (a + 1) ) / 2 + 3 + (9 a + 7) = (a (3 a + 5) ) / 2 10(160).

Sous cette dernière forme, la première partie de cette somme est un multiple de 9, qui s’éliminera par réduction, et il restera alors la seconde partie, qui n’est autre que le nombre 10.

Il nous reste à considérer la même partie de la figure, non plus suivant les lignes horizontales comme nous venons de le faire, mais suivant les colonnes verticales : la première à partir de la gauche contient 9 fois le nombre 1, la seconde contient 8 fois le nombre 2, et ainsi de suite, de telle sorte que, chaque colonne étant formée de chiffres qui sont tous de même valeur, le nombre de ces chiffres diminue d’une unité chaque fois que leur valeur augmente d’une unité également. Il en résulte une symétrie par rapport à la colonne du milieu, qui est la cinquième, puisqu’il y a neuf colonnes en tout ; la somme des nombres contenus dans deux colonnes équidistantes de celle-ci est la même. On a donc, pour la cinquième colonne, 5 × 5 = 25 ; pour la quatrième et la sixième, 4 × 6 = 24 ; pour la troisième et la septième, 3 × 7 = 21 ; pour la seconde et la huitième, 2 × 8 = 16 ; enfin, pour la première et la neuvième, 1 × 9 = 9. Ainsi, pour deux colonnes donnant la même somme, celle-ci est égale au produit des deux nombres indiquant le rang de ces colonnes, nombres qui sont aussi les valeurs respectives des chiffres contenus dans les mêmes colonnes.

La somme totale des nombres contenus dans les neuf colonnes est :

25 + 48 + 42 + 32 + 18 = 165,

nombre qui se réduit à 12, puis à 3. Ce même nombre est aussi la somme totale des racines théosophiques des neuf premiers nombres :

10 + 46 + 109 = 165 ;

cette identité était d’ailleurs évidente, puisque, dans les deux cas, il s’agit de la somme de tous les nombres contenus dans le triangle rectangle que nous considérons, ces nombres étant seulement envisagés de deux façons différentes, suivant qu’on les répartit par lignes horizontales ou par colonnes verticales, ainsi que nous l’avons dit.

Les lignes et les colonnes étant naturellement en nombre égal, on peut dire que le triangle rectangle qu’elles forment est isocèle ; dans ce triangle, l’hypoténuse et le côté horizontal de l’angle droit contiennent tous deux la suite des neuf premiers nombres, et le côté vertical contient l’unité répétée neuf fois. La somme des neuf premiers nombres, c’est-à-dire la racine théosophique de 9, est égale à 45(161), qui se réduit à 9 ; la somme des chiffres de chacun des trois côtés du triangle donne donc 9, immédiatement pour un de ces côtés, et par réduction pour les deux autres.

Remarquons encore, à cette occasion, que le nombre 45, qui s’obtient comme nous venons de le dire, et qui, en outre, est aussi le nombre des chiffres contenus dans le triangle considéré, est la somme des valeurs numériques des trois lettres hébraïques qui forment le nom אדם (Adam). En ajoutant le dénaire à ce nombre, on a la somme des dix premiers nombres, ou la racine théosophique de 10 : 45 + 10 = 55 ; ce nouveau nombre(162), dont nous avons déjà eu à parler précédemment(163), se réduit à 10, conformément à ce que nous avons dit en général pour les racines des nombres de la forme 3 a + 1, cas qui est celui du nombre 10.

L’angle supérieur gauche de la figure reproduit pour les neuf premières dizaines tout ce que le droit, dont nous venons de parler, indique pour les neuf premiers nombres, avec cette remarque, cependant, que les totaux des lignes horizontales ne sont plus ici des racines théosophiques, comme le sont les totaux correspondants de droite, puisque les nombres n’y sont plus pris consécutivement, mais seulement de dix en dix. Tous les résultats ne diffèrent des précédents que par l’adjonction d’un zéro à la droite de chaque nombre, adjonction qui, d’ailleurs, ne change rien pour ce qui concerne la réduction théosophique, puisque la somme des chiffres n’en est évidemment pas altérée. Nous n’aurions donc qu’à répéter les mêmes considérations que nous avons déjà exposées, ou plutôt des considérations entièrement analogues, en tenant compte de la réserve que nous venons de formuler. Comme cette répétition serait inutile, nous arrêterons ici l’étude de la partie supérieure de la figure, pour passer maintenant à celle de sa partie inférieure.

Là encore, nous retrouvons, à droite et à gauche, les neuf premiers nombres dans la même disposition triangulaire(164), inversée seulement suivant l’orientation des différentes parties de la figure. Les indications que l’on y voit nous montrent une propriété des nombres qui, d’une façon générale, peut s’énoncer ainsi : dans la suite des nombres entiers rangés dans leur ordre naturel, deux nombres équidistants d’un troisième ont une somme égale au double de ce dernier, proposition qui devient évidente lorsqu’on la met sous cette forme : (n – a) + (n + a) = 2 n. On sait d’ailleurs que le troisième nombre, celui qui est pris pour axe, est ici ce que, par définition, on appelle ordinairement la « moyenne arithmétique » entre les deux autres ; mais ce que nous venons de dire suppose que la somme de ceux-ci soit paire, c’est-à-dire que tous deux soient simultanément pairs ou impairs(165). Dans le cas contraire, celui d’un nombre pair et d’un nombre impair, donnant une somme impaire, la « moyenne arithmétique » ne pourra pas être un nombre entier, ce qui revient à dire qu’il n’y aura pas de nombre équidistant de ceux-là, pouvant être pris pour axe ; mais on trouvera deux nombres entiers consécutifs dont la somme sera égale à celle des deux premiers, et, en s’éloignant également de part et d’autre de ces deux nombres consécutifs, comme, dans le premier cas, on le faisait à partir du nombre pris pour axe, on trouvera encore des couples de nombres se correspondant et donnant une somme constante.

Les indications de l’angle inférieur droit se rapportent au premier de ces deux cas, tandis que celles de l’angle inférieur gauche se rapportent au second. En effet, à droite, nous voyons les nombres 5, 4 et 3 (ayant pour total 12, qui se réduit à 3) pris successivement pour axes, ce qui donne des couples de nombres ayant des sommes respectivement égales à 10, 8 et 6, nombres doubles des précédents (ayant pour total le double de 12, soit 24, qui se réduit à 6). Dans la suite complète des neuf premiers nombres, 5 est le nombre central(166), et deux nombres équidistants de ce milieu (et aussi, par suite, équidistants respectivement des extrémités 1 et 9) ont pour somme 10 ; c’est ce qui est indiqué aux quatre angles de la figure. À gauche sont indiqués les couples de nombres donnant des sommes impaires, qui sont successivement 9, 7 et 5 (ayant pour total 21, qui se réduit à 3 comme 12, dont il ne diffère que par la position inverse de ses deux chiffres) ; chacune de ces trois sommes est égale à une des trois sommes de droite diminuée de l’unité (ce qui donne bien, pour le total, 24 – 3 = 21).

Les deux chiffres 1 et 2, dont nous venons d’avoir à considérer incidemment les combinaisons(167), représentent l’unité et le binaire formant le ternaire ; 21 et 12 figurent ainsi deux ternaires dont le second est le reflet inversé du premier, comme les deux triangles opposés du Sceau de Salomon. La somme de ces deux nombres est 33, dont les deux chiffres représentent encore les deux mêmes ternaires ; 33 = 3 × 11, multiplication du ternaire par le nombre 11, qui est le binaire (33 se réduit à 6 = 3 × 2) extériorisé dans sa polarité affirmative-négative (point de départ de la seconde dizaine, ou de la distinction ordonnatrice de l’Univers manifesté), et équilibré selon la loi de l’analogie (toujours en sens inverse entre le supérieur et l’inférieur). Cet équilibre est celui de la Balance du Siphra D’zénioutha(168) ; le nombre 11 représente aussi la Force Divine(169) maintenant l’équilibre entre la justice (דין) et la Miséricorde (חסד), les deux Colonnes Séphirothiques du Temple Universel. Cet équilibre se résout en תיפארת (la 6e Séphirah), centre de l’Harmonie parfaite, Soleil de Gloire dont la Splendeur (שכינה, la Paix Profonde)(170) illumine l’Invariable Milieu (le Saint des Saints)(171), projetant ses rayons suivant la Voie qui conduit de מלכוּת(172) (10 ou la manifestation cyclique) à כתר(173) (1 ou l’immanation dans le Principe).

Si l’on considère 11 comme formé de 10 + 1, 10 y représentera, par rapport à 1, la réfraction du Principe Éternel dans l’Embryogénie Temporelle ; c’est le sommet du triangle renversé, par rapport à celui du triangle droit(174). Il faut remarquer que le premier chiffre, logiquement, est en réalité celui de droite, et que, par suite, c’est 12 qui représente le triangle renversé (comme on le voit dans la 12e lame du Tarot, dont le schéma s’obtient en inversant le symbole alchimique du Soufre, au milieu du duodénaire zodiacal)(175) : 12 = 2 + 10, allant de la distinction principielle à la totale manifestation dans laquelle se reflète le Principe (au fond des Grandes Eaux). D’autre part, 21 correspond à l’autre ternaire (figuré par la forme de la lettre hébraïque ש, et aussi par la forme triangulaire du caractère correspondant de l’alphabet watan) : 21 = 1 + 20, allant du Principe (du sommet de la Terre des Vivants)(176) à la distinction dans la manifestation totale.

Ceci marque la différence entre les finalités qui correspondent aux deux trigones principaux de l’Archéomètre : dans le trigone inférieur, la seule finalité des âmes est d’attendre dans l’Embryogénie cosmique une nouvelle embryogénie individuelle. Retourner dans les Limbes des Eaux Vives de la Grâce, c’est s’endormir dans le sein d’Abraham, car le nom d’aBRaHaM (ou BRaHMâ)(177) désigne le Patriarche des Limbes, d’où descendent et où remontent les âmes organiques, origines des Eaux Vives. Les étymologies fournies par les lettres du Triangle de Jésus, c’est-à-dire du trigone supérieur, ouvrent aux âmes une tout autre finalité : celle de la Terre de Gloire, de la Vie immortelle, consciente à jamais, affranchie de la chute dans le Monde Astral et Temporel, celle de la Personnalisation autonome de la Séité reconstituée à l’image de Dieu : Homme et Femme en Adam-Héveh (י et ה en יהוה et יהשוה), disent Moïse et Jésus. « L’Homme n’est pas sans la Femme en Notre Seigneur (Ishwara), ni la Femme sans l’Homme », a dit saint Paul. Comme nous l’avons déjà vu, la Terre des Vivants est le Mérou, le Pôle Spirituel de l’Univers(178), le Monde de Mahâ-Dêva ou d’IShWara (ShIVa-VIShnou)(179), le séjour des Élus, de ceux qui ont entendu la Parole Divine (l’Affirmation du Principe). Nous renverrons à ce qui est dit dans l’Apocalypse au sujet de la Jérusalem Céleste(180), et aussi au sujet du dénombrement des Élus, qui, dans un Cycle (Αἰών), sont au nombre symbolique de 144 mille, tirés des 12 Tribus d’Ishwara-El, soit 12 mille de chaque Tribu(181), et marqués du Tau, signe de l’Agneau (ou du Swastika, signe d’Agni)(182).

Si l’on considère les deux triangles (comparés aux nombres 21 et 12) dans le sens ascendant (nous les avons précédemment considérés dans le sens descendant), le triangle inférieur va des faits, dans toute leur particularité de manifestations spécialisées, aux lois, c’est-à-dire aux causes secondes, ce qui est la méthode de la science analytique (ce triangle marquant ainsi le domaine de la Physique, dans son sens le plus étendu), sans pouvoir atteindre la Cause première ou le Principe Un : la Synthèse Universelle ne peut se déduire de l’analyse individuelle, qui n’aboutit qu’aux philosophies dualistes et aux religions naturalistes.

Le triangle supérieur conduit de l’extrême distinction (dans l’Univers) à la Suprême Unité (en Dieu), sans perdre de vue ni l’une ni l’autre(183) : il marque le domaine de la Métaphysique, c’est-à-dire de la Connaissance Synthétique totale, dont la réalisation intégrale implique la Plénitude de l’Être, c’est-à-dire l’Identité suprême avec le Principe Divin en l’Homme Universel.

(À suivre.)