Octobre-novembre 1948

— Dans le Symbolisme (no de septembre-octobre 1947), P. O’Neill, dans un article intitulé À propos des « Résolutions de New York », examine certains aspects de la divergence qui existe entre la Maçonnerie anglo-saxonne et la Maçonnerie française, et qui semble due surtout à ce que, partant l’une et l’autre des conceptions exprimées dans les Constitutions d’Anderson, elles s’en sont écartées en quelque sorte en sens inverse au cours de leur développement ; ainsi, tandis que la Maçonnerie française accentuait de plus en plus la tendance à la « modernisation », la Maçonnerie anglaise, grâce à l’action des « Anciens », s’est au contraire rapprochée de la vraie tradition à laquelle Anderson avait porté de fâcheuses atteintes. — Dans le numéro de novembre, sous le titre Initiation et mythe adamique, Gaston Moyse fait certaines réflexions à propos de la substitution aux deux colonnes, dans un temple maçonnique, de deux statues représentant un homme et une femme ; il est bien certain que les deux colonnes symbolisent en effet les deux principes complémentaires qui peuvent être désignés comme masculin et féminin, mais nous pensons cependant qu’une telle figuration anthropomorphique, outre qu’elle n’a évidemment rien de traditionnel, restreint beaucoup la portée de ce symbolisme, en attirant exclusivement l’attention sur ce qui n’en est en réalité qu’une simple application particulière. — Dans les deux mêmes numéros et dans celui de décembre, nous trouvons une étude intitulée Spécimen d’une interprétation hiéroglyphique d’après le P. Kircher, par Louis Coulon ; il s’agit de l’explication d’une figure d’une table isiaque du Musée de Turin, représentant un scarabée à tête humaine accompagné de plusieurs symboles accessoires, Les commentaires du P. Kircher, pour qui cette figure « résume les plus grands mystères et recèle les plus hautes puissances », ne manquent assurément pas d’intérêt en eux-mêmes, mais nous devons dire qu’il est extrêmement douteux qu’on puisse les prendre, dans leur ensemble, pour une expression d’idées authentiquement égyptiennes. Il est d’ailleurs certain que le monument en question n’est pas très ancien, car on y voit, non pas une inscription hiéroglyphique, mais quatre caractères qui ne peuvent être que des lettres grecques plus ou moins mal formées, et assez difficiles à interpréter pour cette raison même (nous ne croyons pas, en tout cas, qu’elles puissent former le mot philo) ; il est bien évident par là qu’il ne peut dater que de la période alexandrine. Mais ce qui est assez curieux, et dont on ne semble pas s’être aperçu, c’est que cette figure est manifestement le prototype d’une autre qui se trouve, paraît-il, dans un ouvrage arabe d’Ibn Wahshiyah ; il y a la une véritable énigme, et il serait sûrement intéressant que quelqu’un fasse des recherches à ce sujet ; mais il y aurait lieu alors de s’assurer tout d’abord si von Hammer, dont la « documentation » est toujours bien suspecte, n’y serait pas pour quelque chose comme nous le soupçonnons. — Dans le numéro de décembre, Marius Lepage a consacré un article, à l’occasion du cinquantenaire de sa mort, à Stanislas de Guaita, dont le Symbolisme a commencé ensuite à publier, à partir de janvier 1948, les fragments du Problème du Mal accompagnés de commentaires d’Oswald Wirth(*). — Dans les numéros de décembre 1947 et de janvier et février 1948, J.-H. Probst-Biraben étudie L’hermétisme des anciens littérateurs méditerranéens ; en fait, il s’agit surtout du Roman de la Rose, et aussi de Dante et de Rabelais ; il y a là des rapprochements intéressants, notamment avec le Soufisme ; mais nous nous demandons pourquoi il est aujourd’hui tant de gens qui semblent croire qu’il existe un symbolisme spécifiquement « méditerranéen ». — Dans le numéro de janvier, Albert Lantoine examine longuement le livre de M. Chettéoui sur Cagliostro et Catherine II, dont nous avons également rendu compte ici (voir no d’avril-mai 1948) ; il s’attache surtout à démêler les raisons diverses de l’hostilité de Catherine II à l’égard de la Maçonnerie en général et de Cagliostro en particulier ; sur le caractère et le rôle de celui-ci, ses conclusions sont, sinon favorables, du moins assez modérées. — Dans les numéros de mars, avril et mai, J. Corneloup fait l’historique des Constitutions du Grand-Orient de France et de leurs modifications successives au cours du xixe siècle, surtout de celle de 1877 qui eut de si fâcheuses conséquences. Ce qui est vraiment singulier, c’est que les procès-verbaux du Convent dont il s’agit ne font aucune mention de la suppression de la formule du « Grand Architecte de l’Univers », et qu’il ne s’y trouve même pas trace d’un vote concernant une « réforme des rituels » qui devait impliquer notamment cette suppression, vote qui cependant a certainement eu lieu ; quelles peuvent bien être les raisons de cette étonnante lacune ? À ce propos, nous signalerons un autre point curieux dont il n’est pas question dans cet article : c’est la décision de supprimer tous les « emblèmes ayant un caractère religieux ou monarchique » ; cette décision, qui dut être prise par le Grand Collège des Rites, paraît bien se rattacher à la même « réforme » ; mais nous avons sous les yeux un document qui montre que dès 1876, sur le sceau du dit Grand Collège des Rites, la devise écossaise Deus meumque jus avait été changée en Suum cuique jus, et que l’aigle à deux têtes s’y était déjà métamorphosé en ce que quelqu’un appela un jour « une sorte de chimère apocalyptique » ; comment et pourquoi ces changements (qui d’ailleurs ne s’accordaient guère avec la revendication de régularité du Grand-Orient en ce qui concerne les hauts grades du Rite Écossais) ont-ils été opérés ainsi au moins un an avant le vote dont ils sembleraient logiquement devoir être une conséquence ? Nous ne nous chargerons pas de l’expliquer, n’ayant pas à notre disposition tous les éléments nécessaires ; mais nous croyons qu’il ne serait pas sans intérêt de chercher à éclaircir cet autre mystère. — Dans le numéro de juin, nous noterons un article sur Le symbolisme du troisième degré et ses relations avec l’ensemble du symbolisme maçonnique, et un autre sur Le symbolisme et le folklore, qui, malgré certaines vues justes, témoigne d’un peu trop d’« éclectisme » vis-à-vis de diverses théories modernes, et qui ne va certainement pas au fond de la question.