L’ARCHÉOMÈTRE
(suite)(*)
Nous devons revenir encore au mot בראשית, qui a été l’occasion de la digression précédente, car il nous reste à considérer maintenant les valeurs numériques des lettres qui composent ce mot. Pour cela, nous le partagerons de nouveau en ses deux moitiés, ברא‑שית, et nous considérerons d’abord chacune d’elles séparément.
Pour les trois lettres de la première moitié, ברא, laquelle est aussi le second mot du texte moïsiaque, comme nous le verrons par la suite, on a les valeurs suivantes :
ב | = | 2 |
ר | = | 200 |
א | = | 1 |
203 |
Ce nombre se réduit à 2 + 0 + 3 = 5, qui correspond à la lettre ה ; cette lettre doit être regardée, dans la correspondance que nous signalons ici, comme le second ה (la lettre finale) du Divin Tétragramme יהוה, ainsi que nous allons le voir un peu plus loin.
D’autre part, le nombre 5 est ici formé du Binaire et du Ternaire, et le Binaire précède le Ternaire (de même que, par sa lettre ב, il se présente dès l’ouverture du Livre)(239), parce que ce n’est qu’au cours de la seconde des deux phases que nous avons indiquées, dans la Création, comme correspondant à celles de la constitution archéométrique du mot בראשית (et aussi au cours de l’œuvre de la Formation, qui en est la suite), ce n’est, disons-nous, qu’au cours de la seconde de ces deux phases qu’apparaît (dans le Monde extérieur) l’action vivifiante (ou plutôt agissant comme telle dans sa fonction spéciale par rapport à nous) du Verbe(240), se traduisant par la réflexion (en sens inverse), dans le Grand Océan de la Passivité Universelle(241), du Principe Spirituel Divin (רוּח אלהים), symbolisé par le Ternaire, et qui plane au-dessus de cet Océan(242), dans les Eaux (מים)(243) duquel flotte l’Œuf du Monde(244), germe d’indéfinie puissance (Hiranyagarbha, « l’Embryon d’Or », en tant que manifestation du Verbe, « manifestation » qui n’implique évidemment aucune « incarnation »)(245) contenant toutes les virtualités de la Possibilité Formelle, symbolisée par le Binaire, et qui, étant seulement le principe plastique (ou plus exactement ce sur quoi s’exerce la faculté plastique active, c’est-à-dire l’action formatrice)(246), n’est encore (tant que cette action fécondante et germinative ne s’y est pas exercée) qu’une pure « puissance contingente d’être dans une puissance d’être » (תהוּ ובהוּ)(247) ; c’est ce que nous montrera la suite du texte même de la Genèse.
D’autre part, si l’on regarde le nombre 203 comme partagé en deux parties qui sont respectivement 20 et 3, on obtient, comme correspondance hiéroglyphique de ces deux nombres considérés comme représentant des valeurs numériques, les lettres כ et ג, dont l’union signifie : force productrice ou germinative(248) ; il est à remarquer que ces deux lettres (dont la première est masculine et la seconde féminine) sont respectivement les planétaires de Mars et de Vénus(249).
Considérons maintenant la seconde moitié du mot בראשית, c’est-à-dire l’ensemble des trois dernières lettres, שית ; pour ces trois lettres, nous avons les valeurs suivantes :
ש | = | 300 |
י | = | 10 |
ת | = | 400 |
710 |
Ce nombre se réduit à 7 + 1 + 0 = 8, correspondant à la lettre ח, qui peut être regardée ici comme représentant la matérialisation du ה obtenu précédemment, pour la valeur numérique totale de la première moitié du même mot, c’est-à-dire comme impliquant une effectuation dans le domaine de l’Existence Élémentaire(250).
On peut aussi regarder le nombre 710 comme formé de 7 et 10, nombres qui (considérés comme des valeurs numériques, ainsi que nous l’avons déjà fait pour d’autres nombres), donnent respectivement, comme correspondance hiéroglyphique, les lettres ז et י(251) ; on trouve donc ici le Septénaire, nombre des Forces de la Nature (synthétisées dans les Elohim), uni au nombre du Principe, dont elles ne sont (comme Lois régissant un Cycle) que des déterminations particulières, en mode manifesté, dans le Monde extérieur ; la multiplicité indéfinie de ces déterminations (le Septénaire n’étant, bien entendu, qu’une représentation symbolique se rapportant au rôle formateur des Elohim)(252) n’altère d’ailleurs évidemment en rien l’Unité Suprême de ce Principe(253).
Considérons maintenant l’ensemble des deux nombres 203 et 710 que nous avons obtenus, et, à chacun des chiffres dont ils sont formés, substituons la lettre hébraïque correspondante, en remplaçant le zéro, regardé comme signe de la multiplication par 10, par la lettre י, qui correspond à ce nombre. On obtient ainsi ביג pour le premier des deux nombres considérés, et זאי pour le second ; voici quelle en est l’interprétation hiéroglyphique :
ביג | Dans le Principe est contenu le germe (c’est-à-dire l’Œuf du Monde), |
זאי | lié (dans sa détermination primordiale et essentielle) à l’expansion quaternaire du Principe (dont il constitue lui-même l’achèvement ou l’aboutissement). |
Ainsi, l’Œuf du Monde est d’abord contenu dans le Principe, envisagé alors comme le lieu passif et réceptif (étendue) ou le milieu substantiel et embryogénique de toutes les possibilités d’être ; ce germe y existe à l’état potentiel, et contient une indéfinité de virtualités différenciées en puissance, et dont chacune est également susceptible d’un développement indéfini. Le développement de toutes ces existences virtuelles et relatives (puisque réfractées dans le domaine de Mâyâ ou de l’Illusion), passant de la puissance à l’acte pour parcourir la « Roue de Vie », c’est-à-dire le cycle temporel (ou du moins envisagé par nous temporellement, c’est-à-dire sous l’aspect de la succession) de leurs modifications extérieures et substantielles (lesquelles n’altèrent en rien leur unité et leur identité intimes et essentielles), ce développement, disons-nous, termine (en mode manifesté) l’expansion quaternaire du Principe, envisagé cette fois comme la Cause Suprême active et productrice (le point dont l’irradiation illimitée remplit toute l’étendue, laquelle n’a de réalité actuelle que par lui, et n’est sans lui, ou plutôt sans son activité, qu’une pure possibilité « vide et sans forme »)(254). Et cette expansion cruciale, traçant dans tous les Mondes le Schéma du Divin Tétragramme, n’est pas autre chose, métaphysiquement, que la réalisation totale de l’Homme Universel, réalisation qui a son point de départ au-delà de tous les Mondes et de tous les Cycles (de Création et d’Émanation), à l’originelle et primordiale affirmation du Verbe Éternel.
Analogiquement, le Tétragramme יהוה, qui est le développement quaternaire de י, hiéroglyphe de la Puissance Suprême(255), se termine de même par le second ה(256), qui représente effectivement l’Œuf du Monde (conçu de l’Esprit-Saint par la Vierge Céleste, et, comme tel, identifié à Hiranyagarbha, ainsi que nous l’avons dit), les trois premières lettres représentant respectivement les trois Hypostases Divines (comme les trois lettres de ברא, mais dans l’ordre logiquement normal, et d’ailleurs à un point de vue tout différent, beaucoup plus universellement applicable)(257).
Enfin, le nombre total donné par les valeurs numériques des six lettres du mot בראשית est : 203 + 710 = 913 ; les trois chiffres dont se compose l’expression figurative de ce nombre correspondent hiéroglyphiquement aux trois lettres טאג, dont l’ensemble signifie l’enveloppement initial du germe(258), c’est-à-dire de l’Œuf du Monde, lorsqu’il se trouve dans l’état, actuellement indifférencié, de détermination potentielle (étant dès lors créé, mais sans aucune effectuation formelle), au sein du Principe féminin dont la nature a été étudiée précédemment par nous(259).
Le nombre 913 se réduit à 9 + 1 + 3 = 13, correspondant, comme rang alphabétique, à la lettre מ, qui représente encore le même Principe féminin, c’est-à-dire, suivant nos explications antérieures, la Vierge Céleste envisagée dans son rôle cosmogonique, dans le Triangle des Grandes Eaux, qui représente le domaine de l’Embryogénie Temporelle(260).
Le nombre 13 exprime en outre l’idée, non seulement de la Transformation définitive (ou du passage au-delà de la Forme), mais aussi des modifications multiples que les êtres traversent (dans le Courant des Formes) pour parvenir finalement à ce but dernier de toute existence manifestée ; et l’ensemble de ces modifications, s’enchaînant logiquement et se correspondant analogiquement dans tous les Mondes et dans tous les Cycles, constitue précisément, comme somme indéfinie d’une indéfinité d’éléments, le déploiement intégral de la Création accomplie par l’opération du Verbe Universel.
Enfin, dans la figuration du nombre 13 (qui se trouve aussi, précédé du chiffre « circonférentiel » 9, dans 913), l’Unité est immédiatement suivie du Ternaire, qui est son « assignation » extérieure, conçue comme objet de connaissance distinctive (quoique encore synthétique et universelle) ; de plus, ce nombre 13 se réduit à 1 + 3 = 4, et le Quaternaire, auquel on aboutit ainsi comme dernière synthèse, et qui, comme on le sait, est le nombre de l’Émanation, c’est-à-dire de la manifestation principielle du Verbe en l’Adam Qadmon(261), nous montre ici dans la Création la réalisation en mode positif des potentialités illimitées de l’Homme Universel(262).
Telles sont les principales considérations que l’on peut déduire de l’étude du mot בראשית, par lequel s’ouvre le Livre de la Genèse.
(À suivre.)