L’ARCHÉOMÈTRE
(suite)(*)

D’autre part, et à un point de vue différent de celui auquel nous nous sommes placé jusqu’ici, le mot בראשית peut être décomposé en deux parties de trois lettres chacune, ברא‑שית ; c’est ce qu’indique sa formation archéométrique, qui peut être représentée par la figure suivante.

Considérons les deux Trigones de Terre et d’Eau : le point de départ est au fond des Grandes Eaux Célestes, où se trouve la planétaire ב, la lettre de la Lune ; de là, un mouvement ascendant vers la gauche aboutit à ר, zodiacale des Poissons, puis un mouvement de concentration vers l’intérieur donne la lettre centrale א.

Dans cette première phase est formé le verbe ברא, « Il créa », qui donne naissance au mot בריה, « Création », désignation du second des quatre Mondes de la Qabbalah(213) ; c’est aussi la racine du nom de Brahmâ, le Créateur(214).

Cette phase se produit dans le domaine de l’Embryogénie Temporelle, qui est le domaine de אברם ou אברהם, le Patriarche des Limbes, dont le nom se forme suivant le triangle descendant(215).

Si l’on partage ce nom en deux parties, dont la première se lit ici verticalement (en descendant) et la seconde horizontalement (de gauche à droite), אב‑רם, on voit que, en hébreu, il signifie littéralement « Père élevé »(216).

La seconde partie de ce nom est aussi le nom de Ram ou Râma ; elle se compose des deux lettres ר et מ, dont la première est masculine et la seconde est féminine. La lettre ר produit le mot égyptien , qui désigne le Soleil, d’où le nom divin d’Amoun-Râ, Soleil caché ou invisible(217), c’est-à-dire, suivant l’expression de Platon, Soleil du Monde Spirituel. La lettre מ produit le mot ou Mauth, qui est un des noms égyptiens de la Vierge Céleste, considérée comme la Mère Divine(218).

Si nous revenons au mot ברא, nous voyons que les trois lettres dont il est formé sont les initiales respectives des noms des trois Hypostases de la Trinité Divine :

בן le Fils,
רוּח l’Esprit,
אב le Père.

Il faut remarquer que la seconde Hypostase, le Fils, est ici nommée la première, tandis que le Père n’est nommé que le troisième, parce que c’est du Fils ou du Verbe que procède le pouvoir créateur. Ceci correspond encore au fait que la première lettre du ספר בראשית est la lettre ב, comme nous l’avons signalé précédemment(219).

Les mêmes initiales se retrouvent dans le nom de אברם ou אברהם, mais placées dans l’ordre normal, et suivies de la lettre מ, initiale de מריה :

אב le Père,
בן le Fils,
רוּח l’Esprit,
הקדש Saint,
מריה Mariah (manifestation de la Vierge Céleste dans le domaine de l’Embryogénie Temporelle)(220).

Si, dans le mot ברא, on remplace א par ע, qui en est la matérialisation, et si l’on retourne ce mot, on obtient ערב, l’Érèbe ou l’Occident(221).

Les mêmes lettres forment aussi, dans un autre ordre, le nom du Patriarche עבר, d’où est dérivé celui des Hébreux, et aussi des Arabes, peuples situés à l’Occident de l’Asie.

Revenons maintenant à la formation archéométrique du mot בראשית : la première phase peut être considérée comme marquant l’action (en mode réfléchi) du Père par la Vierge Céleste, manifestée en Mariah ou Mâyâ ; la seconde phase marque plus spécialement l’action du Fils ou du Verbe dans l’Univers.

En effet, pour obtenir la seconde moitié de ce mot, il faut partir du sommet du Triangle de la Terre des Vivants, où se trouve la planétaire ש, la lettre de Saturne ; de là, un mouvement descendant vers la droite aboutit à י, zodiacale de la Vierge, puis un mouvement d’expansion vers l’extérieur donne la lettre périphérique ת.

Ainsi, on a, dans la première phase, un mouvement ascendant suivi d’une concentration, et, dans la seconde, un mouvement descendant suivi d’une expansion ; d’ailleurs, le mouvement descendant de la seconde phase est parallèle, mais en sens inverse, au mouvement ascendant de la première. La première phase aboutit à א, qui est la première lettre de l’alphabet, et la seconde aboutit à ת, qui en est la dernière ; de même, si on considère les initiales des deux moitiés du mot, la lettre ב est la seconde de l’alphabet, et la lettre ש en est l’avant-dernière.

L’ensemble des trois lettres obtenues dans la seconde phase, שית, peut être considéré comme désignant l’Hexade, qui représente ici le Verbe agissant dans l’Univers ; il faut se souvenir que le Triangle de la Terre des Vivants est le Trigone du Verbe.

On retrouve donc ici le nombre 6, qui caractérise la Création, et qui est, comme nous l’avons fait remarquer précédemment, le nombre total des lettres du mot בראשית(222).

Ce nombre 6 est désigné en hébreu par le mot שש, qui est formé de deux ש ; comme la lettre ש a un sens ternaire, ainsi que l’indique sa forme (et aussi sa valeur numérique 300), on trouve dans ce mot deux ternaires en opposition, correspondant aux deux chiffres du nombre 33, et aux deux triangles du Sceau de Salomon, symbole de l’Hexade(223).

L’ensemble des deux mots ברא‑שית, considérés comme distincts, peut signifier : « Il créa les six » ; c’est alors ce qu’on appelle communément « l’œuvre des six jours »(224), mais le sujet du verbe « créer », c’est-à-dire Celui qui crée, reste indéterminé.

On peut aussi considérer שית comme sujet de ברא : « l’Hexade créa », l’Hexade désignant ici, comme nous venons de le dire, un aspect du Verbe ; c’est alors l’expression du rôle du Verbe dans la Nature.

Cependant, il ne faut pas envisager ici l’Hexade seulement, mais aussi le Septénaire ; c’est ce que nous verrons par la suite, et plus particulièrement au sujet du rôle des אלהים (Elohim), dont nous n’avons pas encore eu à parler jusqu’ici.

La figure qui représente la formation archéométrique du mot בראשית doit être rapprochée de celle qui est tracée par la disposition bien connue de la douzième Lame du Tarot ; mais, dans cette dernière, il y a sous le ת qui en enveloppe l’ensemble, non plus les deux triangles opposés, mais seulement le triangle descendant surmonté de la croix.

On sait que cette figure, que nous retrouverons d’ailleurs par la suite, n’est autre que le symbole alchimique du Soufre, mais inversé(225) ; voici de quelle façon elle peut se former à partir de la figure principale de l’Archéomètre(226).

Si l’on considère le cercle zodiacal, et si l’on décrit, sur les deux moitiés de son diamètre vertical prises comme diamètres, deux circonférences égales tangentes au centre du grand cercle, les côtés des quatre Trigones et leurs axes de symétrie déterminent dans chacune de ces deux circonférences, de la façon indiquée par la figure ci-dessus, le double triangle et la croix. Si l’on considère plus particulièrement la croix dans la circonférence supérieure et le triangle inversé dans la circonférence inférieure, on a précisément la figure schématique de la douzième Lame du Tarot ; le ת qui enveloppe cette figure correspond ici au rectangle circonscrit à l’ensemble des deux circonférences, rectangle dont la hauteur (ou la longueur) est égale au double de la largeur, et sur les côtés verticaux duquel se projettent les douze Signes du Zodiaque, six sur chaque côté(227). Comme l’ensemble de la croix et du triangle forme la figure d’un septénaire, les trois Planètes inférieures se placent aux angles du triangle, le Soleil au centre, et les trois Planètes supérieures aux extrémités des autres branches de la croix ; la Lune occupe naturellement le fond des Grandes Eaux, Saturne le sommet de la Terre des Vivants, et les situations respectives des quatre autres Planètes prises deux à deux se déterminent par correspondance avec la position de leurs domiciles dans les deux Trigones principaux.

Le Septénaire Planétaire, ainsi suspendu au milieu du Duodénaire Zodiacal, y trace la figure de l’Homme Céleste, dans la position involutive représentée par la douzième Lame du Tarot. Soutenu par le Quaternaire des Éléments, le reflet inversé du Ternaire Spirituel flotte en équilibre instable au sein des Grandes Eaux ; et, dans le domaine de l’Embryogénie Temporelle, il répand les germes essentiels des êtres, qui y développeront toutes les possibilités formelles, se déployant jusqu’aux confins de l’indéfini à travers les multiples manifestations de la Vie Universelle. Ce reflet de l’Esprit Divin, se manifestant en mode actif dans le Monde de l’Existence Élémentaire, est assimilé à un principe igné involué, et son action détermine dans le Chaos cosmique, jusque-là informe et dénué de toute propriété actuelle et positive, pure « puissance contingente d’être dans une puissance d’être », la vibration lumineuse par laquelle se traduit le Fiat Lux dans l’ordre des Organicités et des Harmonicités Universelles(228).

L’idée de l’expansion ou du déploiement dans la manifestation est exprimée hiéroglyphiquement, dans l’alphabet hébraïque, par la lettre ל, qui correspond également à la douzième Lame du Tarot, et qui, par son rang, se rapporte au Duodénaire Zodiacal.

D’autre part, si l’on considère encore le double triangle formé comme nous l’avons dit dans chacune des deux circonférences superposées, chacune de ces figures peut se décomposer en douze triangles plus petits, ce qui fait en tout vingt-quatre de ces triangles, tous égaux entre eux, comme le montre la partie gauche de la figure suivante. Ce sont là, d’après la Théogonie égyptienne, les vingt-quatre parties du corps d’Osiris, qui furent dispersées dans le Zodiaque (disjecta membra)(229) par Typhon, son meurtrier.

On voit aussi, d’après la même figure, que ces vingt-quatre triangles peuvent être rattachés à seize centres, qui reproduisent partout le symbole hexagrammatique de la Création ; huit de ces centres correspondent à deux des triangles considérés, et les huit autres à un seul chacun. Le nombre 16 est le rang alphabétique de la lettre ע, qui exprime hiéroglyphiquement l’idée d’involution, au sens de descente de l’Esprit, par sa réflexion en sens inverse, dans le Monde des Formes ; c’est d’ailleurs ce qu’indique la seizième Lame du Tarot, qui correspond à cette lettre.

Par cette disposition, le rectangle circonscrit aux deux circonférences, et qu’on peut regarder comme formé par l’ensemble de deux carrés superposés, se trouve partagé horizontalement en seize parties, et verticalement en quatorze parties. Si l’on considère seulement les huit zones horizontales principales, d’égale hauteur, déterminées par les lignes sur lesquelles sont placés les centres dont nous venons de parler, ces sept lignes peuvent être regardées comme sept échelons, sur lesquels se disposent les sept Planètes dans leur ordre ascendant, comme le montre la partie droite de la figure ci-dessus, dans laquelle on a tenu compte, pour la position respective des Planètes, des indications de celle qui la précède(230). La figure ainsi formée est la représentation de l’Échelle de Jacob, dont le pied repose sur la Terre (ארץ), et dont le sommet atteint les Cieux (שמים) ; ces deux extrémités sont ici marquées par les lignes horizontales qui ferment le rectangle en bas et en haut(231).

Autour du rectangle, les lettres du Trigone supérieur forment le nom d’OShI-ri, et celles du Trigone inférieur forment le nom d’HiRaM(232). Nous retrouvons, en effet, le même symbolisme dans la Légende d’Hiram, mais un point qu’il importe de faire remarquer ici est le changement d’orientation qui résulte de la substitution du Trigone de Feu au Trigone de Terre, faisant commencer l’année à l’Équinoxe de Printemps, au lieu de la faire partir du Solstice d’Hiver. Par suite de ce changement, la longueur du rectangle, devenu le cercueil d’Hiram, se trouve dirigée, non plus comme précédemment suivant l’axe qui va du Sud au Nord, mais suivant celui qui va de l’Occident à l’Orient. Dans cette nouvelle disposition, pour la figure de l’Échelle de Jacob, l’Occident correspondrait à la Terre, et l’Orient aux Cieux ; c’est d’ailleurs là une correspondance que nous retrouverons dans tout le symbolisme postérieur au début du Kali-Youga(233).

La figure ci-dessus représente le cercueil d’Hiram, sur lequel le pas de la Maîtrise trace effectivement la forme de la lettre hébraïque ל ; il est encore divisé en seize parties, par les sept lignes équidistantes tracées comme précédemment dans le sens de la largeur, et par la ligne médiane tracée dans le sens de la longueur. D’après le symbolisme que nous avons exposé, le corps d’Hiram doit avoir la tête vers l’Occident, et les pieds vers l’Orient ; sur sa poitrine, du côté du cœur, brille la lettre G/, planétaire de Vénus (ceci étant dit indépendamment des autres correspondances de cette lettre, qui tient dans le Delta Flamboyant la place du י hébraïque, et de ses diverses significations symboliques). Sur la même figure sont marquées les lettres M/ B/ N/, initiales des trois syllabes du mot sacré du grade de Maître, dont le sens est synthétisé par le symbole de l’Acacia : מ, zodiacale du Scorpion, correspondant au nombre 13, signe de Mort et de Transformation (treizième Lame du Tarot) ; נ, planétaire du Soleil, correspondant au nombre 14, signe de Régénération ou de nouvelle Naissance (quatorzième Lame du Tarot), consécutive de cette Transformation ; enfin, ב, planétaire de la Lune et lettre du Binaire, placée entre les deux précédentes dans le mot sacré, et indiquant la passivité de l’être individuel dans cette Régénération, dont l’Agent sera désigné par le mot sacré du grade de Rose-Croix. Cet Agent, qui est symbolisé par le Feu (représenté ici par נ), ne doit pas être confondu avec l’Élément sacré du Rite, dont le signe sensible est l’Eau (représentée par מ)(234) ; toutes les Initiations et toutes les Liturgies ont soigneusement établi et conservé cette distinction, de même qu’elles ont eu soin de ne pas confondre cette seconde Naissance, qui correspond seulement à la descente de la Grâce dans l’individu humain, avec la plénitude de l’Illumination(235), dans laquelle l’être, ayant transmué sa passivité en activité lorsque les Eaux de l’Océan sentimental ont été volatilisées et transformées par le Feu du Désir ascensionnel(236), s’identifie à l’Agent spirituel de la Transformation, dont l’opération, devenue immédiate, se traduit alors par la réalisation en mode positif de l’Homme Universel, qui préexistait seulement en mode négatif, comme somme (au sens d’intégrale) des puissances virtuelles de l’être humain(237).

Il y a encore une remarque importante à faire sur la signification symbolique de la marche du grade de Maître : on arrive devant le cercueil d’Hiram par le cinquième pas, et l’ensemble de ces cinq premiers pas (marche des grades d’Apprenti et de Compagnon) indique la constitution de l’individu humain, qui, dans son état actuel, est représenté par le nombre 5. Le sixième pas traverse le cercueil vers la droite, côté de l’activité : c’est en traversant le domaine de la Mort que l’être accomplit la Création, à laquelle correspond le nombre 6. Le septième pas revient vers la gauche, côté de la passivité, en passant au-dessus de la partie centrale du cercueil : cette traversée, en sens inverse de la première, représente la seconde Naissance, dans laquelle l’être est passif, comme nous l’avons dit, et par laquelle cet être, enveloppé dans la Forme, symbolisée par le nombre 7, prend conscience de lui-même en tant que conditionné par son état actuel ; c’est précisément là le but de la Vie. Enfin, le huitième et dernier pas, parallèle au sixième, conduit au-delà du cercueil, au point diamétralement opposé, suivant la longueur, à celui où l’on était arrivé par le cinquième pas : l’être, devenu conscient de lui-même, traverse une dernière fois le domaine de la Mort, pour parvenir enfin à l’Équilibre (image de la Perfection dans l’état d’être considéré), marqué par le nombre 8 ; il y parvient par le développement intégral de son individualité, envisagée dans l’indéfinité de son extension, et, par là, il acquiert l’Immortalité, figurée par l’Acacia ou la Palme, qui équivaut au Rameau d’Or de l’Initiation antique(238).

(À suivre.)